Naïri Zadourian : « Une femme, quand elle se loupe sur un sujet foot, on ne va pas la louper ! » (1/2)

De son versant pour la célèbre émission « Faites entrer l’accusé » à son estime pour Maître Delphine Boesel, Naïri Zadourian, avocate au Barreau de Paris, a fait de sa vocation son art. Singulière et activiste, cette admiratrice de Gisèle Halimi, qui n’a de cesse de ferrailler contre toute forme de discrimination et de violence, cause sans détour de sa tendresse pour le ballon rond. Et ce, tout en revenant sur quelques sujets bouillants relatifs au football donc, mais aussi à la société dans son ensemble. Première partie.


Dans ce qui est, aux yeux de la société, un loisir éminemment masculin, d’où vous vient cette passion pour le ballon rond ?

J’ai toujours eu une admiration sans faille pour mon grand frère, qui est un très gros footeux. Il jouait beaucoup, notamment avec le maillot du PSG sponsorisé par « Opel ». Mais ma passion pour le PSG, mon club, est venue paradoxalement d’un séjour à Marseille avec mes parents, durant lequel nous étions descendus en voiture, immatriculée 92. Mon père n’a rien trouvé de mieux à faire que de se garer devant la brasserie « OM Café ». En sortant du restaurant, ils avaient saccagé une portière au pied-de-biche, sans même ne rien voler, mais seulement parce que notre véhicule était enregistré en région parisienne (rires).

J’étais petite, et je me suis jurée à cette date, que toute ma vie, mon cœur de fan serait dédié au PSG et que je mépriserai l’OM. Et le plus drôle dans tout ça, c’est que, comme de nombreux Arméniens en France, mon père est un fan absolu de Marseille. Cette rivalité se retrouve donc à la maison et sur notre groupe WhatsApp de famille. Les soirs de match sont électriques, et mon père est d’ailleurs très taquin quand Paris se prend un but (rires).

Une avocate trouve-t-elle toujours le temps de voir les matches de foot qu’elle souhaiterait regarder ?

Oui me concernant, puisque je me suis installée à mon compte. Donc forcément, j’ai tout mon temps (elle sourit). Enfin, je n’ai pas tout mon temps bien entendu, mais je m’organise comme je le souhaite. Un soir de Ligue des champions, durant lequel Paris est sur le terrain… Rendez-vous ou non, je suis devant ma télévision. Lorsqu’il y a un match à 18h55, je suis, à moins d’un déferlement, chez moi pour le regarder. Et si je suis coincée au tribunal par exemple, l’application « L’Equipe » m’envoie les notifications (rires).

Vous parlez foot avec vos confrères et consœurs ?

Bien sûr ! Notamment avec mon confrère Nabil Boudi, qui a eu une petite expérience comme semi-pro et avec lequel je m’entends très bien. Pour une histoire de Covid, j’ai même défendu l’équipe pour laquelle il joue, pour des questions d’accession spécialement. Et avec d’autres d’ailleurs, on en parle aussi, c’est un gros sujet le foot pour les avocats !

Le football est le synonyme de quoi pour vous ?

L’ambiance, sans hésiter ! Le football fédère autant qu’il peut diviser, et j’ai plutôt tendance à prendre cette division à la légère, au second degré. Mais je suis avocate et je sais pertinemment qu’il y a de vrais contentieux sur des histoires de rivalité ; et que tout peut être bien plus compliqué qu’une simple adversité sur le terrain. Mais c’est aussi cela qui pimente le jeu et qui rend ce sport si beau. Mis à part ça, quelque chose m’a vraiment confortée dans l’idée que le football était quelque chose de merveilleux et vecteur de solidarité. Après quelques problèmes de santé pour lesquels j’ai dû me faire hospitaliser il y a quelques années, mes compagnons de tribune, parfaitement au courant de ma situation, m’ont tous offert un bracelet en soutien. Et c’était consolant d’avoir un peu du Parc des Princes avec moi.

Il y a plein d’idées reçues sur les femmes au stade, selon lesquelles elles seraient mal perçues, victimes de misogynie et de violences. C’est malheureusement une réalité aussi.

Vous allez donc au stade ?

J’étais abonnée au Parc des Princes de 2010 à 2012. Ce sont des supers souvenirs. Et un jour d’ailleurs, j’ai fait rentrer un ami, qui lui, est pour l’OM. Nous étions allés voir le match amical face au FC Barcelone en août 2012. C’était très drôle, il avait un peu peur, mais bien heureusement tout s’est très bien passé ! Il ne risquait rien, avec le plan Leproux en plus, on était « tranquilles » (elle sourit). C’était vraiment bien. Mais, il y a plein d’idées reçues sur les femmes au stade, selon lesquelles elles seraient mal perçues, victimes de misogynie et de violences. C’est malheureusement une réalité aussi.

Mais on retrouve aussi quelques côtés positifs au stade. La solidarité comme je l’évoquais, l’entraide, sans compter la bonne ambiance dans les tribunes. Je me suis faite des amis en allant au Parc. Bon, avec la mise en place du plan Leproux, l’ambiance avait radicalement changé, les tribunes étaient beaucoup plus calmes. Mais c’était cool, c’était mon petit rendez-vous du week-end que d’y aller et de décompresser avec mes potes, en buvant des coups juste avant d’entrer au stade. C’était juste exceptionnel de partager ces moments. Mais c’est devenu beaucoup trop cher par la suite, j’étais étudiante et je ne pouvais plus me permettre de m’abonner (rires).

Quels sont vos plus beaux souvenirs de fan ?

Si je devais en retenir un, ce serait la finale de la Coupe de France 2006 face à l’OM ! Après, avant de devenir majeure, j’allais peu au stade malheureusement. J’accompagnais de temps en temps mon grand frère. J’ai des souvenirs très vagues, notamment d’un France-Arménie en 1999, au stade de France, qui est un moment fondateur pour moi. Le plus beau souvenir, hors PSG, c’est bien sûr la finale de la Coupe du Monde 1998. On était chez des amis de mes parents et on a filé dans la voiture pour défiler sur les Champs-Elysées après le coup de sifflet final. C’est ce jour là que je me suis dit que le foot c’était trop bien ! J’avais tout l’attirail du parfait petit fan, mais en vérité, j’étais la seule pour le Brésil parce qu’on m’avait dit que c’était la meilleure équipe du monde (rires). Et il faut l’avouer, j’ai toujours eu ce petit côté subversif.

(© AFP)

Que représente le PSG pour vous ?

C’est beaucoup de choses, mais quand je pense au PSG, bizarrement je pense à Nenê. Et régulièrement je me demande comment il va (rires). C’est idiot, mais le moment où il y jouait, c’était aussi le moment où je pouvais vraiment m’investir dans le club. Et forcément, j’ai des étoiles plein les yeux quand je repense à cette équipe avec Jérémy Ménez, Christophe Jallet, etc. Cette saison 2011-2012, quoi ; c’est notamment l’année où l’on se fait avoir par Montpellier dans la course au titre. Dans ma vie de tous les jours, ma condition de fan du PSG m’a beaucoup servie à vivre avec l’échec et les déceptions. Par contre, on ne va pas parler de la Remontada, hein. J’étais encore étudiante et je me souviens avoir beaucoup trop parlé avant le match en sortant des cours. Eh bah le lendemain, je n’ai pas mis le pied à l’université (rires). Et tout ça a d’ailleurs provoqué un véritable mépris du Barça en moi.

Préfèreriez-vous voir le PSG soulever la Coupe aux grandes oreilles ou voir l’Arménie participer à une Coupe du monde ?

Pourquoi vous me faites ça (rires) ? Je vais me mettre ma famille ou une partie des mes amis à dos avec ce que je vais dire, il faut que j’aie un argument d’un côté ou de l’autre (elle réfléchit). Comment répondre à cela ? Allez, je dirais le PSG. Je suis désolée pour tous mes compatriotes arméniens. Mais le PSG est bien plus proche du but, donc je fais le choix de la facilité. Même si dans l’absolu, je suis hyper défaitiste. Je suis vraiment la personne la moins optimiste du monde… Qu’ils perdent 20 finales s’ils le veulent, au bout d’un moment c’est vraiment drôle, et j’adore rire, j’ai beaucoup d’autodérision (rires).

C’est idiot, mais quel que soit le niveau de mes connaissances sur le foot, j’ai toujours peur de dire quelque chose. Une femme, quand elle se loupe sur un sujet foot, on ne va pas la louper ! Et quel que soit le sujet d’ailleurs. Donc si une femme, qui parle de foot, venait à se rater ou à se tromper, on va la fustiger et dire qu’elle est incompétente sur tout.

Jouiez-vous au foot plus jeune ?

Oui ! Et j’ai même passé mes épreuves du Bac de sport en faisant du foot. Je boudais le basket, sport pour lequel, étant grande de taille, j’avais des facilités selon mes professeurs. Mais moi, je ne voulais pas faire du basket ! Et pourtant, je mettais huit têtes à tout le monde, je dunkais sur mes adversaires (rires). Ma mère m’a toujours soutenue. Faire du foot au Bac, c’était l’occasion pour moi de passer mon temps avec mes amis. J’étais gardienne. Le lundi midi, jour de mon cours de sport, on débarquait à quinze chez moi et on mangeait avant de déguerpir pour jouer tous ensemble.

Regrettez-vous le fait que peu de femmes soient intéressées par le foot ? Ou alors le fait qu’elles ne parlent pas franchement de cet amour lorsqu’elles en disposent ? 

Je suis la première à ne pas en parler en temps normal. C’est idiot, mais quel que soit le niveau de mes connaissances sur le foot, j’ai toujours peur de dire quelque chose. Une femme, quand elle se loupe sur un sujet foot, on ne va pas la louper ! Et quel que soit le sujet d’ailleurs. Donc si une femme, qui parle de foot, venait à se rater ou à se tromper, on va la fustiger et dire qu’elle est incompétente sur tout. J’avoue ne pas trop en parler en public donc, par crainte d’être critiquée. Mais avec mes proches, dans un cadre privé, je n’ai aucun problème à le faire.

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