À Saint-Ouen, le stade du Red Star au coeur des municipales

La question de l’avenir de l’enceinte du Red Star, en course cette saison pour monter en Ligue 2, occupe les coulisses du club de Saint-Ouen. Le stade Bauer présente à ce jour des carences et des manques dans l’optique d’une possible homologation en cas de promotion à l’échelon supérieur. En pleine campagne des municipales, le maire sortant, William Delannoy (UDI), trouve en la question d’un plan de reconstruction du stade Bauer un levier majeur de sa communication en vue d’une éventuelle réélection. Focus sur un chantier complexe dont les directives opaques et contrastées paralysent l’avancée.

Mercredi 17 juillet 2019, dans le cadre du concours de projets Inventons la Métropole du Grand Paris, le projet « Bauer District », porté par le groupe Réalités, est choisi pour la reconstruction du stade qui fête alors ses 110 ans d’existence (inauguré en 1909). Ce projet ambitieux comprend un stade de 11 000 places, dans un style dit « à l’anglaise », imbriqué dans un chantier de près de 40 000 m2, contenant notamment un centre commercial, un centre de santé et une salle de concert. Le complexe serait ouvert 7 jours sur 7 et servirait d’écrin à la commune de Seine-Saint-Denis. L’objectif d’un tel projet est de contribuer aux besoins du Red Star sans oublier ceux du quartier environnant, comme le confie Luc Belot (directeur d’une filiale de Réalités) au quotidien Le Parisien. En faisant la cour à toutes les parties de la municipalité et du club, Luc Belot veut s’assurer que la vente du terrain soit effective le plus rapidement possible afin de tenir les délais : un projet sorti de terre d’ici 2023.

Un projet initié par William Delannoy au coeur de la bataille municipale

La question de la rénovation du stade audonien a longtemps parasité les débats entre les supporters, que le sort de Bauer inquiète. Si le président du Red Star, Patrice Haddad, confirme un intérêt partagé du club et de la ville pour le projet « Bauer District », les promesses grandiloquentes vont vite déchanter. Peu après la nomination de Réalités comme potentiel repreneur du projet de reconstruction du stade, Monsieur Delannoy tâtonne et tempère les effusions d’optimisme dans un entretien accordé au Parisien. Il y affirme que « 40 000m2, c’est trop dense ». Il persiste et signe : « Ce n’est pas ce que l’on avait demandé, on tablait plutôt sur 25 000m2. Et 11 000 places pour le stade, c’est trop peu ». Le maire audonien estime que le cahier des charges n’est pour l’heure pas tenu. La municipalité réclame moins de densité pour une capacité rehaussée. En outre, les inquiétudes se portent sur la viabilité d’un tel projet dans le quartier Bauer. L’échéance des municipales avançant à grands pas, l’édile ne peut se résoudre à risquer de bouleverser le quotidien des citoyens audoniens sachant que la demande autour de ce projet concerne en premier lieu l’état de l’enceinte même du Red Star : « il faut que ça reste une opération sportive et pas immobilière », rappelle William Delannoy.

Des dissensions pour un retour à la case départ ?

Si la prudence est de mise chez le premier magistrat de Saint-Ouen, c’est que l’envie d’un horizon nouveau pour le stade Bauer borde les cœurs audoniens depuis des décennies. De plus, l’échéance des municipales peut s’avérer être un écueil à la tenue du projet, dans l’optique où un nouveau maire souhaiterait marquer une césure avec son prédécesseur et remettre en cause la programmation de la construction du nouveau stade. Mais le nœud des dissensions observées entre la mairie et le groupe immobilier Réalités se réfère davantage à l’importance donnée au stade dans le programme de reconstruction. L’objectif de bâtir un espace commercial autour d’une enceinte sportive qui serait par ce biais mise en avant ne semble pas être partagée par Réalités. Ces premières divergences obligèrent le groupe immobilier à nuancer sa feuille de route. Après quelques mois, et comme le précise une fois de plus Le Parisien, Réalités tend à se rapprocher des demandes de M. Delannoy et porte la capacité du nouveau stade de 10 000 à 15 000 places avec la création d’une quatrième tribune tout en réduisant la surface totale du projet.

Cet effort du groupe Réalités pour trouver un consensus ne convainc toutefois pas la municipalité qui a rouvert les discussions avec d’autres projets proposés lors du concours Inventons La Métropole du Grand Paris. Le foyer de la divergence s’est cristallisé autour de la vente du terrain et a mené les discussions vers un point de non-retour. Si les raisons fondamentales du désistement de William Delannoy manquent toujours, le chiffre de 35 millions d’euros comme montant proposé par Réalités pour le rachat du terrain (qui passerait en domaine privé) peut être une piste de la retenue soudaine du maire audonien à conclure le marché.

Le nouveau favori est le projet Wilmotte, classé deuxième lors du concours de juillet dernier. Ce changement brusque pour le cabinet à l’origine des plans de l’Allianz Riviera de Nice passe mal auprès des premiers nominés. Le groupe Réalités s’est plié aux exigences du maire afin de finaliser le plus promptement possible la vente du terrain et ainsi initier les travaux. Des fonds ont déjà été investis par le groupe qui invoque sa légitimité à mener le projet jusqu’au bout, eu égard à sa nomination lors de l’appel aux ébauches pour la reconstruction du stade Bauer. Une action en justice a même été menée contre William Delannoy par le groupe, action que le maire n’a pas souhaité commenter.

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Aperçu du projet porté par le cabinet Wilmotte pour le nouveau stade Bauer (© Le Parisien)

Quel stade pour le Red Star en cas de montée en Ligue 2 ?

L’autre grand enjeu imbriqué à la question de l’avenir de Bauer est rattaché à l’homologation du stade qui accompagnera le Red Star en cas de montée à l’échelon supérieur. Lors de la précédente saison passée en Ligue 2, le Red Star a joué ses matchs « à domicile » au stade Pierre Brisson, à Beauvais, dans l’Oise. Si un lien direct entre la proximité des supporters et les résultats d’une équipe est discutable, on peut néanmoins observer que le Red Star a subi lors de cette saison 2018-2019 plus de défaites à domicile (12) qu’à l’extérieur (10). D’où l’enjeu vital de trouver un stade permanent au club dans sa quête de résultats sportifs et à moyen ou long terme d’une montée au sein de l’élite.

Afin d’accueillir des rencontres de Ligue 2, le stade Bauer devra « répondre à un cahier des charges précis », comme le précise le club sur son site officiel. Avec notamment « l’installation d’une pelouse naturelle en lieu et place de la pelouse synthétique actuelle, la mise aux normes des conditions d’éclairage et l’aménagement des espaces protocolaires et des vestiaires ». Si l’état actuel du Stade et de ses 2 999 maigres places suscite des inquiétudes chez certains supporters, le club audonien, par le biais d’un communiqué rendu public le 17 janvier dernier, se veut rassurant concernant « la commission d’homologation des Stades [qui] accompagne le Red Star sur les aspects techniques qui lui permettront de jouer à Bauer en cas de Ligue 2 ».

Le coût de ces travaux est évalué à 2 millions d’euros (entièrement pris en charge par le club) et ceux-ci sont programmés pour la fin de saison en cas de montée : de quoi calmer les débats et freiner les inquiétudes ? Rien n’est moins sûr car l’horizon opaque du projet d’un nouveau stade satisfaisant toutes les parties pour 2023 (en vue des JO 2024) ne cesse de s’assombrir, entre épisodes judiciaires et suspicions de corruption. Le tout sur une toile de fond dont l’issue peut présager d’une finalisation prompte comme d’une mise en suspens des velléités du maire sortant : les élections municipales.

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Amaury Erdo-Guti

Grand frère de la famille FootPol. Tendresse et passion rythment ma plume de Paris à la Pampa

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