Biélorussie : désamour entre le football et le pouvoir dictatorial
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a été réélu à la tête du pays pour la cinquième fois consécutive, le 9 août dernier. Le déroulement de l’élection et son résultat sont contestés. Depuis, de nombreuses manifestations anti-gouvernement et anti-dictature se déroulent dans le pays. Certains acteurs du football biélorusse ont pris position. Et ce n’est pas la première fois que le gouvernement de Loukachenko et le monde du football s’opposent dans cet État d’Europe de l’Est.
Vendredi 14 août, quelques jours après la réélection controversée d’Alexandre Loukachenko à la tête de la Biélorussie, Ilya Shkrurin, attaquant biélorusse de 21 ans, qui évolue depuis janvier au CSKA Moscou, a été sélectionné pour la première fois avec l’équipe première biélorusse pour les matchs de Ligue des Nations qui se sont déroulés début septembre. Mais sur son compte Instagram, l’attaquant a refusé sa sélection. « Je refuse de représenter les intérêts de la sélection tant que le régime de Loukachenko est au pouvoir. Vive la Biélorussie » a écrit le joueur sur le réseau social. Pour accompagner le texte, une photo avec le drapeau biélorusse blanc et rouge, utilisé en 1918 sous la République populaire biélorusse et de 1990 à 1995, après la proclamation d’indépendance de la République biélorusse.
Ilya Shkrurin n’est pas le seul acteur du football professionnel biélorusse à avoir pris position alors que de nombreuses manifestations anti-régime continuent de se dérouler dans le pays. Le sélectionneur de l’équipe nationale biélorusse, Viktor Gonrachenko, s’est également prononcé sur les protestations populaires : « C’est inacceptable. Je m’oppose fermement à la répression violente du pacifique peuple biélorusse. La police doit protéger les gens, et non les frapper ». De manière générale, de nombreux sportifs biélorusses se sont exprimés sur l’élection présidentielle du 9 août 2020, les manifestations qui l’ont suivie et la répression du régime d’Alexandre Loukachenko.
Plus largement, c’est l’ensemble des biélorusses qui dénoncent la réélection d’Alexandre Loukachenko face à l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa. Chaque dimanche depuis mi-août, ils sont des dizaines de milliers de biélorusses à descendre dans la rue à Minsk et dans l’ensemble du pays pour protester contre le régime autoritaire en place. Les manifestants revendiquent la victoire de Svetlana Tikhanovskaïa à l’élection présidentielle du 9 août dernier.
Une méfiance du pouvoir vis-à-vis des ultras
De nombreux supporters ultras des différents clubs biélorusses ont été arrêtés par la police lors des manifestations. Mais pas seulement, puisque début août, le joueur du BATE Borisov et international biélorusse, Anton Saroka, figurait sur une liste des manifestants arrêtés. La plupart des associations d’ultras se sont construites en opposition radicale au gouvernement d’Alexandre Loukachenko. Le président biélorusse a développé une méfiance vis-à-vis des ultras depuis la mobilisation pro-européenne en Ukraine en 2013, à laquelle les ultras ukrainiens avaient participé. Il veut éviter la politisation croissante des groupes ultras. En effet, l’approche de plus en plus politique des groupes de supporters ne plaît pas au dirigeant biélorusse. Olga Ruzhelnyk, doctorante spécialiste des mouvements ultras en Ukraine, explique que « l’existence de fans à l’époque soviétique est longtemps restée sous l’influence des organisations politiques de l’URSS, comme le Komsomol, les syndicats professionnels soviétiques et le Parti communiste lui-même. Les fans de foot étaient des sujets passifs pour la sphère politique, ou des soutiens passifs de l’ordre existant ».
La défiance des supporters biélorusses vis-à-vis du régime autoritaire en place tient également du traitement du football par l’État. En effet, en Biélorussie, le hockey sur glace est le sport national, pratiqué par son dirigeant, Alexandre Loukachenko. Le football apparaît comme un « sport de seconde zone » aux yeux du gouvernement biélorusse. Alexandre Loukachenko étant à la tête de la République de Biélorussie depuis 1994, cela fait désormais 26 ans que le football est relégué au second plan dans ce pays d’Europe de l’Est, car mal perçu par le gouvernement autoritaire.
Le drapeau historique de la Biélorussie dans les stades
Très fréquemment, c’est l’ancien drapeau biélorusse, blanc et rouge, que les supporters arborent lors des matchs des équipes du championnat Vycheïchaïa Liha, première division biélorusse, et lors des matchs de la sélection nationale. Si peu de supporters ont accès aux stades, car le régime complique l’accès à ces derniers par une multiplication des contraintes, à la fois financières et sécuritaires, ils restent une des rares arènes où des messages politiques anti-régime peuvent être passés. Le gouvernement a toutefois interdit les banderoles avec des messages en anglais, de peur que des messages anti-régimes y soient affichés, passant les contrôles des stadiers ne maîtrisant pas la langue.
La plupart des clubs de première division biélorusse appartiennent ou sont gérés par des entreprises étatiques ou des proches d’Alexandre Loukachenko, à la manière soviétique. Ainsi, le BATE Borisov, club vainqueur du championnat à 14 reprises depuis sa création en 1992, suite à l’éclatement de l’URSS, a été fondé au sein d’une entreprise étatique d’équipements pour auto-tracteurs. Le club est géré par les dirigeants de cette entreprise, souvent des proches d’Alexandre Loukachenko. Autre cas d’école, entre 2000 et 2019, Yuri Tchij, était à la tête du Dinamo Minsk. Cet homme d’affaire biélorusse fait partie des dirigeants d’entreprises et des hommes d’affaire biélorusses du cercle proche d’Alexandre Loukachenko. Le Dinamo Minsk était indirectement contrôlé par le gouvernement autoritaire. L’an passé, l’oligarque a dû quitter ses fonctions suite à une décision du tribunal jugeant illégal l’achat du club par une de ses entreprises en 1999.
La plupart des clubs de première division biélorusse appartiennent ou sont gérés par des entreprises étatiques ou des proches d’Alexandre Loukachenko, à la manière soviétique. Ainsi, le BATE Borisov, club vainqueur du championnat à 14 reprises depuis sa création en 1992, suite à l’éclatement de l’URSS, a été fondé au sein d’une entreprise étatique d’équipements pour auto-tracteurs. Le club est gérés par les dirigeants de cette entreprise, souvent des proches d’Alexandre Loukachenko. Autre cas d’école, entre 2000 et 2019, Yuri Tchij, était à la tête du Dinamo Minsk. Cet homme d’affaire biélorusse fait partie des dirigeants d’entreprises et des hommes d’affaire biélorusses du cercle proche d’Alexandre Loukachenko. Le Dinamo Minsk était indirectement contrôlé par le gouvernement autoritaire. L’an passé, l’oligarque a dû quitter ses fonctions suite à une décision du tribunal jugeant illégal l’achat du club par une de ses entreprises en 1999.
Seule exception à ces clubs dirigés par des proches du pouvoir, le club MTZ-Ripo, devenu ensuite FK Partizan avant de disparaître. Le MTZ-Ripo, dès sa création, s’est positionné comme un club anti-fascite et anti-régime. Détonnant dans le paysage footballistique où s’opposent des clubs dirigés par des proches du pouvoir, et où la majorité des ultras qui se disent anti-régime s’apparentent à l’extrême droite. Un homme d’affaire lituanien, Vladimir Romanov a racheté le club en 2002 avant d’être contraint d’abandonner le club après des menaces de la justice biélorusse. Dès la saison 2012/2013, les supporters ultras ont repris le club en main, faisant des idées antifascistes le mot d’ordre du club, avant que le FK Partizan ne soit dissout en 2014.